mardi 21 juin 2011

Le « chiffre magique » et « faire Goguette » pour s'amuser bien comme nos Anciens

En 2009, après seize ans de très difficiles recherches, j'ai enfin identifié et commencé à décrire la pratique traditionnelle extrêmement simple base de la festivité à Paris et en d'autres lieux : la goguette.

Il s'agit de se réunir ponctuellement à dix-neuf personnes maximum. Pour passer un bon moment ensemble. Et chanter des chansons qu'on connait ou invente, placées sur des airs connus ou inventés.

Quand le pratique de la goguette était très répandue à Paris, le Carnaval était gigantesque. Car les goguettiers le préparaient et rejoignaient sans difficultés. Habitués à faire ensemble souvent la fête, ils se regroupaient, formant l'armature joyeuse des bals et cortèges qui rassemblaient des foules innombrables.

C'est ce qui se passe encore aujourd'hui à Dunkerque et aux alentours, où la goguette a survécu avec les « sociétés philanthropiques et carnavalesques ». Là-bas le Carnaval est immense et très joyeux. Tout le monde descend dans la rue et fait aussi la fête aux bals et chez soi à cette occasion. « On fait chapelle » : on invite plein de monde à boire à la maison, y compris des inconnus. Le Carnaval dure deux mois.

Cela fait juste un an que mon amie Alexandra a réuni une goguette. Mais depuis deux ans qu'à Cherbourg, Paris ou en Italie je parle de goguette, sa renaissance – qui ne réclame pas d'argent, locaux, logistique ou compétences particulières, – paraît buter sur des obstacles invisibles. Les ayant identifié, j'ai rédigé ce texte.

Pourquoi la goguette a disparu : « le chiffre magique »

La goguette a été victime des illusions et idées fausses qui ont parasité son succès.

Jusqu'en 1830 la loi interdisait, sous peine d'une forte amende, d'être plus de dix-neuf assemblés en goguette.

Après, le caractère inoffensif de la plupart des goguettiers et l'évolution politique a fait lever l'interdiction. Ce qui a fait perdre à la plupart des réunions goguettières leurs qualités, et après un grand progrès apparent, les a anéanti. Le souffle goguettier est mort avec des locaux spacieux, mobiliers, logistique, moyens financiers, discipline de fonctionnement et votes. Avant de disparaître, affaibli, chez des milliers de goguettiers, il a été parasité par la politique et l'ambition de ceux qui voulaient devenir les chefs.

Ça a pris du temps. On a voulu faire grand, avoir un piano, un théâtre, donner des représentations... La grande masse des goguettes s'est transformée en autre chose. La plupart des goguettiers ont, avec enthousiasme et inconscience, abandonné ce qui faisait la raison d'être de leurs réunions familiales devenues associatives.

Passer une soirée ensemble à rire, sourire, s'amuser et chanter en petit groupe était le but.

Petit on était fort. Grand on est devenu faible. Dans les fêtes anniversaires qui marchaient bien dans ma famille j'ai pu voir qu'au delà de dix-neuf présents l'unité de la réunion se brisait spontanément.

C'est une règle qui paraît relever de la Nature : quand on atteint les vingt, le groupe se casse en deux. Mon ami Brian m'a dit à propos de cette règle des dix-neuf : « Ah ! C'est le chiffre magique. » A Dunkerque les sociétés de Carnaval ont pour la plupart douze membres à peine. Seules trois ou quatre sur des dizaines montent jusqu'à la cinquantaine. C'est tellement évident pour les Dunkerquois qu'ils n'en parlent jamais. Il faut aller là-bas pour l'apprendre. C'est ce que j'ai fait.

L'auto-destruction des goguettes qui n'ont pas su respecter leurs limites naturelles a eu pour conséquence de tuer et faire oublier l'idée-même de goguette dans la population qui m'entoure. Elle confond goguette et guinguette, goguette et chorale. Elle ne comprend pas ce que c'est et à quoi ça sert. Comme je n'arrivais pas à expliquer cette pratique, la réponse bateau était jusqu'à présent : « de goguette on n'a pas besoin. Quand on en a envie, on se voit et on chante. » Mais les réunions spontanées de ce genre sont plutôt rares. Comment arriver alors à faire renaître la base du grand Carnaval de Paris et d'ailleurs ?

Aujourd'hui, même le mot goguette est oublié. Sauf dans le sens usuel d'être joyeux et un peu saoul. Pas dans celui de sociétés lyriques et chantantes comme il y en avait des centaines en France et jusqu'en Belgique.

Un élément d'accélération de la destruction de la goguette a certainement été la loi française de juillet 1901 sur les associations et son équivalent belge : la loi sur les associations sans but lucratif (ASBL). Réponses institutionnelles à l'associativité traditionnelle, elles remplacent la volonté commune par une structure, le mérite par le vote, la bonne volonté par les cotisations. Et incite l'association à caricaturer le monde, avec des objectifs à atteindre, un budget, un président. Et des autorités à séduire pour obtenir des subventions en perdant sa liberté.

Je n'ai moi-même pas su empêcher, il y a plusieurs années, que se détruise une goguette qui ne portait pas ce nom et que j'avais réuni. Qui fonctionnait. A laquelle je tenais beaucoup. Où je m'étais investi énormément. Je n'ai pas su stopper la catastrophe. Par ignorance, j'ai initié trois choses qui l'ont détruites :

La première a été de fixer un rythme de réunions régulières. Or une goguette se réunit ponctuellement. On a envie de se voir à moins de vingt pour passer un moment agréable ensemble et chanter des chansons. Alors on propose à son entourage de « faire goguette ». En aucun cas la goguette a un statut coercitif où on « doit » se voir tous les tant de temps. Voir les choses ainsi est absolument contraire à son esprit. Nous ne sommes ni au travail, ni à l'école. Nous faisons ici tout pour le plaisir et avec plaisir. Cela peut paraître subtil, mais change tout : quand bien-même nous nous verrions ponctuellement très souvent, ce n'est pas du tout la même chose que se voir en se soumettant au joug d'une programmation hebdomadaire, mensuelle ou autre.

C'est pareil dans un centre de vacances quand quelqu'un propose une belote. Ceux qui veulent acceptent et suivent les règles de la belote. Les autres font autre chose. Même si vous y jouez souvent, vous trouveriez horrible en arrivant au centre de vacances d'apprendre que la belote est « obligatoire tous les soirs de 20 h à 22 h 30. » Ça pourrait même vous ôter l'envie de jouer à la belote durant vos vacances.

La seconde erreur a été de dépasser le chiffre magique. La société qui marchait bien a été envahie par des gens qui voulaient seulement en profiter comme d'un spectacle gratuit ou pour devenir des chefs et s'enrichir.

La troisième erreur, corrélative à l'agrandissement de la société, a été son dépôt en tant qu'association 1901. Ce qui l'a achevé en introduisant la sacro-sainte démocratie avec le vote, les dirigeants élus et électeurs cotisants. Or le vote, dont en France on a fait une religion, n'est pas bienvenu et adapté aux goguettes.

Dans les ateliers des écoles d'art et architecture en France, les « massiers », élèves qui animent la goguette sans nom des élèves, ne sont pas élus, mais cooptés par un consensus général. Depuis huit siècles, celui ou celle que tout le monde apprécie devient massier suite à un accord commun implicite et ça marche.

Dans les lavoirs jadis, la goguette était souterraine et même pas ouvertement déclarée.

Le vote peut être indésirable : pour choisir la moquette de votre appartement, vous ne faites pas voter l'ensemble de vos voisins pour décider. Vous ne faites pas non plus voter vos parents et amis pour décider de vous marier, divorcer ou avoir un enfant. Dans une goguette c'est pareil. Le vote n'a pas sa place. Et si faire goguette avec certains ne vous plaît pas, vous n'êtes pas obligé de recommencer avec eux.

Faisons goguette partout, amusons-nous !

Pour faire goguette il n'y a nul besoin de locaux, logistique, argent, chefs, compétences particulières. Juste d'un peu de lucidité et sens pratique. Et surtout éviter les embûches rutilantes qui nient la festivité.

Régina, parlant de la Goguette des Jardiniers réunie par Alexandra dans la Cité Jardins d'Asnières, a dit : « C'est génial ! Ça permet de connaître ses voisins ! » Avec elle, nous avons été sept réunis dont trois enfants. Demain, si ce message est entendu nous serons des millions à nous amuser.

Basile Pachkoff , Asnières le 21 juin 2011.

vendredi 1 octobre 2010

Notre troisième goguette



Le vendredi 1er octobre 2010 notre goguette s'est réunie pour la troisième fois.

Nous avons choisi nos noms de goguettiers.

A notre assemblée étaient présents : Coquelicot, Géranium rouge, Rose blanche, Rose rouge, Muguet et Capucine.

Coquelicot, Rose blanche et Capucine ont chacun colorié l'image du chat de la goguette.

Nous avons chanté plusieurs chansons.

Et commencé la rédaction d'une chanson sur notre cité.

La réunion débutée à 20 heures s'est achevée un peu après 21 heures 30.

Nous avons passé une excellente soirée.

Géranium rouge

lundi 12 juillet 2010

Parisiens, banlieusards, provinciaux : Chassons la grisaille et faisons renaitre le soleil des goguettes !!!

Il n'y a pas si longtemps Paris était réputée la ville la plus joyeuse du monde. On y venait du monde entier pour s'amuser. Et si on voulait on pouvait s'amuser agréablement pour pas cher.

Aujourd'hui si on vient à Paris c'est pour voir les monuments et visiter les musées. Si on veut s'amuser il faut flamber son argent aux spectacles. Et l'on ne vient pas pour rencontrer les Parisiens.

À Paris Noël est juste une festivité commerciale et le 14 Juillet une festivité officielle. Elles ne bouleversent pas la ville. Paris est mort.

Certains pensent trouver les explications de ce changement : ce serait la faute au chômage, à la vie moderne, l'individualisme, la télévision, les départs en week-end.

Mais dans des centaines de villes du monde aujourd'hui bien plus joyeuses que Paris tous ces facteurs existent également.

Alors qu'est-ce qui rendait la gaité parisienne proverbiale dans les années 1840-1860-1900 ? C'était les goguettes.

Qu'est-ce qu'une goguette ? C'est une grande tradition française oubliée. Une goguette c'est chaque fin de semaine moins d'une vingtaine de personnes qui se réunissent pour chanter et inventer des chansons sur des airs connus. Telle est dû moins la forme la plus pure de la goguette, celle qui dominait jusqu'en 1830.

Les goguettes commencèrent à se développer de façon significative à partir de 1817. Leur durée de vie fut très longue : des dizaines d'années.

En 1818 il en naquit plusieurs centaines.

En 1900 il y avait encore au moins 90 goguettes à Paris.

Les goguettes comptèrent des dizaines de milliers d'affiliés hommes ou femmes, souvent des ouvriers.

Quand les goguettes ont-elles disparues ? Celle, parisienne, de « la Muse rouge » a cessé ses activités en 1939. Mais elle ne fut pas la dernière goguette de France.

Robert Lecoche se souvient que dans les années 1950 dans un café tenu par ses grands parents dans un quartier populaire de Lille, chaque samedi une vingtaine d'habitués poussaient chacun à tour de rôle leur chanson. C'était une goguette. Même si le mot n'était pas utilisé. Elle disparut finalement victime de l'installation d'un juke-box dans le café.

Basile Pachkoff se souvient que dans les années 1960, dans le marché couvert Daguerre, dans la rue du même nom à Paris existait une goguette : chaque samedi en fin de matinée un accordéoniste venait devant l'étalage d'un marchand de légumes au fond du marché. Un petit groupe de clients et de gens du marché qui se connaissaient et n'étaient pas tout jeunes se rassemblait autour et chantait des chansons. Ce marché très vivant a disparu depuis victime d'une opération immobilière.

Après 18 années de recherches sur le Carnaval de Paris et son organisation, Basile a retrouvé les goguettes. Les rares qui en parlent encore aujourd'hui en donnent souvent une vision politisée complètement fausse. On y rencontrait la politique certes, mais pas plus qu'ailleurs et l'activité principale des goguettes était de s'amuser.

Basile a rédigé plusieurs articles dans Wikipédia à propos des goguettes : « Goguette », « Affaire de la goguette de l'Enfer », etc. Il a constaté que les sociétés carnavalesques et philanthropiques fer de lance du grand Carnaval de Dunkerque et des Carnavals très vivants de la région ne sont pas autre chose que des goguettes sous la forme qu'elles avaient toutes à Paris jusqu'en 1830. La survivance de la pure tradition goguettière a assuré à cette région de France de très beaux Carnavals.

C'est très facile de créer une goguette comme celles d'avant 1830. Alexandra Bristiel la compagne de Basile en a créé une dans la Cité Jardins d'Asnières. Les invitations ont été lancées le 11 juin 2010. Elle est née le 18 juin 2010 et s'appelle « la Goguette des Jardiniers ». Ses membres, les Jardiniers, prendront des noms de fleurs. Pour sa première assemblée 16 participants ont été pressentis : tous des voisins dont le pharmacien de la pharmacie d'à côté. Il y avait 7 présents à la soirée dont deux fillettes de 6 et 3 ans. On a chanté des chansons et notamment des chansons pour enfants. Un couple africain s'est souvenu de chansons anglaises de son enfance. Tout s'est très bien passé. Ce fut une excellente soirée agréable, enrichissante et pas chère. Une des Jardinières Régina a déclaré ensuite : « C'était génial ! Cela permet de connaître ses voisins. Je suis prête à recommencer. » Nous recommencerons à raison d'une session par mois, un soir en fin de semaine.

Pour que naissent demain partout d'autres goguettes il suffit de suivre le mode d'emploi :

- Le nombre des affiliés tous recrutés localement est de 19 maximum.
- Quand les affiliés sont âgés de moins de 10 ans ils sont 9 au maximum.
- C'est très ouvert. On n'y rencontre les gens les plus différents.
- Le but essentiel recherché est la distraction et l'amusement.
- On n'y chante des chansons et l'on en crée d'autres sur des airs connus.
- Chaque goguette bien que poursuivant des buts similaires aux autres conserve pleinement son indépendance et porte un nom qui marque son identité. Elle se choisit un emblème et une couleur. C'est une structure légère et conviviale. Son dépôt en tant qu'association selon la loi de 1901 n'a pas d'utilité.
- On n'est pas obligé de chanter fort. Ainsi ça ne dérange pas le voisinage. On peut se réunir en appartement. Et c'est plus agréable au cas où l'on ne chante pas juste.
- On reçoit éventuellement des visiteurs pour expliquer et populariser les goguettes.

Parisiens, Banlieusards, Provinciaux : prenons nos goguettes en main !!
Regoguettisons Paris ! La Révolution Goguettière est en marche !!!
A bas la grisaille, vive la joie, l'amitié et la chanson !!


Nous avons créé le blog de la Goguette des Jardiniers : www.goguette-des-jardiniers.blogspot.com

Asnières-sur-Seine le 12 juillet 2010.

Alexandra Bristiel et Basile Pachkoff


Pour en savoir beaucoup plus sur l'histoire des goguettes, consultez l'article Goguette écrit par Basile dit : Basilou dans l'encyclopédie Wikipédia.